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« Maman, à partir de maintenant, je vais arrêter de manger toujours de la cochonnerie »


Pendant le trajet de voiture pour aller faire l’épicerie, mon fils me lance instinctivement : « maman, à partir de maintenant, je vais arrêter de manger toujours de la cochonnerie ».


Mon fils a 6 ans.


Dans ma tête, pendant le quart de seconde qui suit, plusieurs réflexions surgissent à la vitesse de l’éclair :


C’est quoi pour lui de la cochonnerie ?

Distorsion cognitive : il ne mange pas TOUJOURS de la cochonnerie...

Pis ça sort d'où ça, "la cochonnerie", il me semble que je n'utilise pas ce terme à la maison...

Qui est la source de cette volonté de changement ? Un parent, un ami, un professeur, la télévision, un livre ?

Et surtout, quel est le but recherché ?


Pas vraiment prête à toute éventualité, je lui demande alors ce qui le motive de la sorte. Je me surprends même à prier dans ma tête pour qu’il n’y ait pas de lien avec le poids.


Pourquoi ? Parce qu’à 6 ans, je ne veux pas que mon fils ait entendu le discours prêchant qu’il faut faire attention à ce qu’on mange pour contrôler son poids ou son image corporelle. Je ne veux pas que cette inquiétude soit présente. Pas tout de suite. Pas déjà. Pas chez mon fils.

Et c’est un conflit parce qu’en tant que professionnelle, je l’enseigne à mes élèves et je le démontre en formation : l’insatisfaction corporelle des enfants débute dès l’âge de 4-5 ans. Des auteurs l’ont démontré dans des études passées, et d’autres le démontrent encore récemment. Mon fils a beau être de genre masculin, et donc par génétique, être moins à risque de développer une insatisfaction corporelle, il n’y échappera pas. Pas dans notre société. Pas en 2015.

La réponse arrive comme une balle.

« Parce que trop de cochonneries, maman, ça donne un gros ventre ».


Ça roule vite dans ma tête. D'où sort ce discours ?


« Tu sais mon minou, c’est pas aussi simple que ça. Où as-tu entendu que trop de cochonneries donnaient un gros ventre ? »


« Ben, en éducation physique, voyons ! Pis tsé, quand on a un gros ventre, on n’est même pas capable de finir une course. Pis moi, je veux être capable de finir une course ».


Je rage intérieurement. Il y a tellement de jugements dans ce message. Je me sens impuissante. Comme si cette fausse vérité était si simple à croire et à comprendre versus la vraie explication.

Je vis un conflit aussi. Dans la tête d’un enfant, les adultes ont raison. On doit croire les adultes. En plus, c’est un professeur qui lui a dit ça. Quelqu’un représentant l’autorité. Je ne veux pas entrer dans une guerre où maman a raison et madame ou monsieur le professeur a tort. Le but n’est pas de la ou le discriminer. Pourtant, sur ce point, elle ou il a eu tort. Et son discours a des conséquences importantes sur le développement de l’image corporelle des enfants.

Je peste contre cette personne qui : 1) soit a eu ce discours littéralement, 2) soit a eu un discours un peu plus nuancé, mais qui a oublié que des enfants de 5-6 ans n’ont pas l’esprit critique assez développé pour faire de telles nuances.

Un discours à conséquences très lourdes


Est-ce que je dramatise ? Non. Les études ont démontré que ce genre de discours augmente la stigmatisation à l’égard du poids.


« La stigmatisation survient lorsqu’un individu qui présente une caractéristique qui le différencie des autres est discrédité et pointé du doigt. La stigmatisation peut mener au rejet et à l’intimidation » (www.changezderegard.com)

Est-ce que les enfants de 6 ans sont trop jeunes pour vivre cette conséquence ? Non. « Dès l’âge de 4 ans, les enfants ont une aversion pour les grosses personnes. À 3 ans, ça ne les dérange pas. Mais à 4 ans, ils ont une préférence pour les silhouettes minces. À 5 ans, ils commencent à se préoccuper de leurs corps et, à 6 ans, ils sont davantage préoccupés » (http://www.aspq.org/fr/dossiers/problematique-du-poids/stigmatisation-a-l-egard-du-poids)


Quelles sont les conséquences d’une telle stigmatisation ? Une insatisfaction corporelle, une faible estime de soi, des symptômes dépressifs, des comportements alimentaires inadéquats pouvant mener au déclenchement d’un trouble alimentaire et un isolement social, pour ne nommer que ceux-ci (Rudd Center, 2008; Con, 2011, tirés de http://www.changezderegard.com)


Une réponse adaptée


Je me lance donc dans une explication plus nuancée et surtout plus saine :

  • Une personne avec un gros ventre peut très bien finir une course ;

  • De la "cochonnerie", ça n'existe pas. On parle de quoi ? De biscuits ? On nomme les aliments par le vrai nom ;

  • Une personne avec un gros ventre ne mange pas nécessairement trop de biscuits ;

  • Une personne avec un gros ventre est faite comme ça ;

  • Manger trop de biscuits donne mal au cœur et mal au ventre, mais pas un GROS ventre ;

  • Toutes les personnes sont différentes, il y en a avec de petits ventres, d’autres, avec de gros ventres, tout comme il y a des grandes personnes, et d'autres petites. Et c’est beau tout ça, parce qu’on est tous différents.

Il m’écoute, mais je sens le poids du discours donné par la ou le professeur. Elle ou il a semé une graine...


« Mon minou, c’est quoi le but quand on mange ? »

« On mange quand on a faim, on arrête de manger quand on n’a plus faim, et on mange de tout »

« Bravo mon minou »


« Pis tsé maman, la seule chose plate qui pourrait arriver si jamais j’ai un ventre plus gros, c’est que je m’enfarge dedans pendant la course. Alors j’aurai juste à faire attention ».



Et ce soir-là, pendant notre soirée pyjama, on a mangé de tout, incluant des biscuits.


Des ressources pour tous


En tant que parents et professionnels, nous avons la responsabilité d’enseigner aux enfants un mode de vie sain, des valeurs de respect, de diversité et d’ouverture, le plaisir de manger, comment aimer son corps. Par contre, il peut être très difficile de savoir quoi répondre, comment réagir, quoi faire. Informez-vous et outillez-vous :


Pour les parents, éducateurs/trices, professeur/es


Formation chez Imavi Développement de l’image corporelle saine chez les enfants de 2 à 5 ans


Des histoires pour grandir

Disponibles aux Éditions Midi trente

3 livres offrant une histoire ainsi que des activités clés en main et des outils d'intervention pour les grands qui accompagnent les petits.

Guide Gazelle et Potiron Cadre de référence pour créer des environnements favorables à la saine alimentation, au jeu actif et au développement moteur en services de garde éducatifs à l’enfance http://www.mfa.gouv.qc.ca/fr/publication/documents/guide_gazelle_potiron.pdf

Jeu Détective Gargouillis

« Une activité ludique à faire en famille pour apprendre à reconnaître et explorer les signaux de faim et de satiété avant, pendant et après les repas. »


Nos petits mangeurs

Centre de référence en alimentation à la petite enfance (plusieurs vidéos éducatifs)

Problématique du poids ; section de l’Association de santé publique du Québec


Écrit en 2015

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