top of page
Rechercher

Le phénomène du « Oui, mais moi… »

Depuis 2006, je me spécialise en troubles alimentaires. Quand on choisit d’approfondir à ce point un sujet, on fait le choix d’ouvrir son esprit et de se permettre plusieurs remises en question. On doit accepter d’avoir fait fausse route à plusieurs endroits, on doit accepter que nos idées ne soient peut-être pas aussi vraies qu’on le croyait.

Alors on efface, et on recommence. Preuves scientifiques à l’appui.

C’est à travers cette spécialisation que j’ai appris (et que j’apprends beaucoup encore !!) pourquoi les diètes ne fonctionnent pas, comment fonctionne réellement la prise et la perte de poids, et que même avec des principes généraux, chaque personne est différente. Le poids fonctionne différemment pour tout le monde.

Ce cheminement a été pour moi une grande source d’inspiration, et même de révélation.

J’ai eu la naïveté de croire que ces nouvelles connaissances avaient le même pouvoir chez tout le monde.

Erreur.


L’an dernier, je suis tombée sur cette vidéo de la série TED :


Très bien vulgarisée, la conférencière y explique justement pourquoi les diètes ne fonctionnent pas et pourquoi elles peuvent être très néfastes pour notre métabolisme. Je me suis alors amusée à lire les différents commentaires que les internautes ont écrit.


La réalité me frappe en plein visage. Même avec des faits, des explications scientifiques, les résistances sont trop fortes. Les gens n’y croient pas, la contredisent, nient.


C’est le phénomène du « oui, mais moi… ». Ou en termes de psychologie sociale, c’est un bel exemple de dissonance cognitive.


« Oui, mais moi j’ai perdu du poids en faisant une diète, alors ça marche ! »

« Ma mère a fait plusieurs diètes et elle a toujours réussis à perdre du poids »

« Je sais que je dois seulement arrêter de manger du chocolat, parce que quand j’arrête, ça fonctionne. »

« Rien de plus simple ! Mangez moins, bougez plus !!! C’est comme ça que j’ai réussis à perdre du poids. »

« Je suis à la diète depuis 2 mois et je perds du poids. »

« Je fais une diète à tous les ans et ça fonctionne. »


On entend ce qu’on veut entendre ; ce qui se rapporte à notre expérience, et non ce qui nous démontrerait le contraire. Pourquoi ? Parce que ça entraînerait une dissonance cognitive - un malaise, un inconfort mental. Cette dissonance nous confronte à une information qui n’est pas cohérente avec nos propres croyances. Et quand ça arrive, c’est automatique. On doit faire baisser la tension, faire disparaître l’inconfort mental. Comment ? En rejetant la nouvelle idée, en cherchant des gens comme nous, avec le même système de croyances, ou encore en tentant de persuader les autres de notre propre idée.


La dissonance, c’est comme un cube qui tenterait d’entrer dans un monde de sphères. Le cube se butte alors aux parois et fait résonner tout autour. Il ne peut pas entrer. Soit on le modifie en sphère pour qu’il puisse entrer, soit on le rejette, et il part.


Il y a tellement de livres expliquant scientifiquement pourquoi les diètes ne fonctionnent pas. Tellement de professionnels partageant leurs idées, leurs outils.


D’un autre côté, tellement d’autres promettant une perte de poids rapide, une perte de poids sûre, une perte de poids idéale. LA recette miracle. LA solution à tous nos maux.


Alors si je n’aime pas mon corps et que je veux perdre du poids, que vais-je chercher pour ne pas créer une dissonance ? Quels sont les textes qui vont attirer le plus mon attention ? Ceux promettant une perte de poids, ou ceux expliquant pourquoi les diètes ne fonctionnent pas ?


BINGO. Ceux promettant une perte de poids.


L’industrie de l’amaigrissement, c’est une sphère. Alors elle a le beau jeu, elle ne crée pas de dissonance chez les personnes tentant de perdre du poids. Pourtant, elle est dangereuse, elle fait des profits par milliards, sur le dos de notre vulnérabilité, sur notre souffrance, sur nos espoirs, sur notre insatisfaction corporelle. Mais peu importe. Elle ne crée pas de dissonance, alors elle passe. Et il devient facile de la croire, parce qu’elle n’entraîne pas de souffrance. Ou du moins, elle nous sécurise dans notre souffrance, parce que ELLE détient la vérité.

Pour accepter d’écouter le cube, il faut être prêt. Il faut accepter l’inconfort que ça produit. Tolérer le malaise. Ouvrir son esprit. Tolérer le malaise. Accepter de se remettre en question. Tolérer le malaise. Croire qu’il puisse y avoir une nouvelle façon de voir les choses. Et tolérer le malaise.

Les perceptions peuvent changer.


Suffit d’essayer…


Par Marie-Michèle Ricard, psychoéducatrice, psychothérapeute, cofondatrice de la clinique imavi.

bottom of page