La saga entourant la pièce de théâtre à Lévis jugée grossophobe
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Certains crient à l’injustice, d’autres, à la grossophobie. À lire certains commentaires, plusieurs sont trop sensibles et n’ont qu’à ne pas acheter de billet « si ça ne fait pas leur affaire ». Une maman ayant donné son point de vue à la télévision se fait lapider sur les réseaux sociaux.
En 2022, nous n’avons pas les mêmes connaissances que nous avions en 1980. On aborde certains sujets différemment. On mise sur la promotion de saines habitudes de vie davantage, on travaille fort en prévention. En 2022, il est tout-à-fait normal qu’on puisse se questionner sur différentes choses et revoir nos façons de faire. C'est ce qu'on appelle l’évolution.
Les dernières recherches observent que l’insatisfaction corporelle débute de plus en plus tôt, soit vers 4 ans. En 1980, nous ne le savions pas.
Dès l’école primaire, certains enfants ont développé des comportements alimentaires problématiques dans le but de perdre du poids (peu importe leur poids). Généralement, c’est la restriction ou le jeûne. En 1980, nous ne le savions pas.
L’insatisfaction corporelle augmente chez les hommes. En 1980, ce n'était pas encore le cas.
L’insatisfaction corporelle est un prédicteur de problème alimentaire et représente le facteur le plus important quant au développement de troubles alimentaires. En 1980, nous ne le savions pas.
Saviez-vous qu’il y a davantage de femmes qui développeront un trouble alimentaire dans leur vie que de femmes qui développeront un cancer du sein ?
Par son descriptif, on en comprend que la pièce de théâtre désire faire réfléchir sur les habitudes de vie afin que ces dernières soient plus saines. Cet objectif est hyper important, surtout à l’enfance où les enfants apprennent certaines de ces habitudes.
Le problème n’est pas là.
Le problème, c’est le chemin pris pour s’y rendre. Encore dans le descriptif, on en comprend que le chemin choisi en est un axé sur le poids et sur la perte de poids par la restriction alimentaire.
C’est là qu’on fait fausse route.
Le colloque de l’ACFAS « Obésité et santé » nous l’a bien rappelé : les interventions qui ciblent la perte de poids ne fonctionnent pas et peuvent être très néfastes. De plus, ces interventions stigmatisent les personnes dont le poids est plus élevé.
Saviez-vous qu'une des conséquences de la stigmatisation liée au poids est la prise de poids elle-même ?
D’encourager les échanges avec les enfants après la pièce est une bonne idée en soi. Ici encore, le problème n’est pas là.
Le problème est dans la mésinformation que la pièce semble présenter : les personnes grosses doivent perdre du poids, les personnes grosses doivent se retenir de manger, les personnes grosses mangent mal, les personnes grosses sont malades, la restriction alimentaire fait perdre du poids.
Ces 5 affirmations sont des biais liés au poids. Avec le descriptif de la pièce, on en comprend que ce sont des idées véhiculées à travers les différentes scènes.
C’est exactement ce que les enfants vont retenir. La discussion après ne pourrait qu’essayer de restructurer, un tant soit peu, certaines idées déjà assimilées. Mais le mal sera déjà fait.
Et ce sont ces idées qui placent les enfants à risque de développer de l’insatisfaction corporelle, à développer plusieurs biais liés au poids, à développer une peur de la prise de poids, à internaliser qu’ils ne sont pas OK avec leur poids plus élevé, à comprendre qu’ils doivent perdre du poids, etc.
Il ne faut pas oublier que les enfants d’âge scolaire n’ont pas encore une intelligence abstraite. Ils sont très logiques dans leur compréhension. Les nuances nécessaires pour bien comprendre le fonctionnement du poids ne peuvent être comprises par des enfants âgés entre 6 et 11 ans. Et même… certains adultes ont encore du mal à les saisir.
Je ne crois pas que le but soit de censurer la pièce. Plusieurs ont réagi et expriment haut et fort « on ne peut plus rien dire! ». La responsable de la pièce s’est dit sensible et vouloir faire un effort afin que la pièce ne soit pas « offensante ». Je ne crois pas que le but soit là. Je le répète : l’objectif n’est pas de censurer un mot ou une phrase.
L’objectif, c’est 1) de revoir le but visé par la pièce. Ici, ça semble être de sensibiliser les enfants sur les bonnes habitudes de vie, 2) réfléchir sur le chemin choisi pour y arriver. Ici, ça semble être la perte de poids d’une personne grosse par la restriction, et 3) évaluer si ce chemin mène vraiment à l’objectif voulu.
Les recherches en image corporelle nous apprennent que non. Ce n’est pas ce qui va se passer.
Avec les connaissances que nous avons acquises ces dernières années, avec les recherches qui nous démontrent l’effet négatif de certains biais encouragés par la pièce, sachant que ces impacts placent les jeunes à risque de plusieurs difficultés, n’avons-nous pas le devoir de protéger nos enfants ? De changer les choses ? de proposer un chemin différent, celui qui mènerait réellement les enfants à développer de saines habitudes de vie ?
Personnellement, je crois que oui. C’est d’ailleurs pour cette raison que je m’implique depuis toutes ces années.
Pourquoi ne pas offrir aux enfants une pièce qui ciblerait les différentes façons de bouger, l'alimentation intuitive, le respect des autres, la diversité corporelle ?
Continuons nos efforts de sensibilisation. Comme je le répète régulièrement : faites-vous entendre. C’est de cette façon que nous réussirons à faire changer les choses.
Marie-Michèle Ricard, M.Sc., Ps.Éd., psychothérapeute, spécialisée dans les problématiques liées à l’image et à l’alimentation depuis plus de 10 ans.
www.acceptersoncorps.com
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